Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage

Dans les années 1930, Maya vit une enfance de pauvreté et de ségrégation à Stamps, dans l’Arkansas. Élevée avec son frère par leur grand-mère, elle désire retrouver la figure gracieuse de leur mère. Mais les retrouvailles s’entachent d’une nouvelle trahison : Mr. Freeman, son beau-père, viole la fillette. Quand ils l’apprennent, ses oncles assassinent le coupable relâché par la justice, traumatisme sur le traumatisme qui enferme Maya dans un mutisme profond. Qui pouvait deviner que cette petite fille blessée, muette, qui se méfie du pouvoir des mots et découvre en silence la lecture, deviendrait l’une des plus grandes voix de la littérature américaine ?

« Cette misérable petite confrontation n’avait aucun rapport avec moi, mon moi profond, pas plus qu’avec cette employée idiote. L’incident faisait partie d’un cauchemar à répétition, concocté des années auparavant par des Blancs stupides et qui revenait éternellement nous hanter tous. La secrétaire et moi étions comme Hamlet et Laërte dans leur scène finale où, sous le prétexte du tort causé par un ancêtre à un autre, nous étions condamnées à nous battre en duel jusqu’à la mort. » M. A.

Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage, Maya Angelou, Random House, 1969 ; Le Livre de Poche, 2009, traduit de l’anglais (États-Unis) par Christiane Besse

Coup de cœur libraire 

Œuvre magistrale de Maya Angelou, Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage est le premier volet de son autobiographie. La "Femme phénoménale" raconte son enfance avec Bailey, son frère adoré et sa grand-mère, sa seule figure maternelle dans un milieu marqué par la pauvreté et la ségrégation.

L'une des plus grandes voix américaines n'a pas toujours été tonnante et entendue : lorsque la petite Maya a le courage de révéler le viol que son beau-père a commis sur elle, ses oncles assassinent le coupable. C'est un traumatisme supplémentaire pour la petite fille, effrayée par le poids des mots, qui s'enferme dans un mutisme profond et découvre l'enchantement de la lecture.

Au cours de ces années à Stamps, je rencontrai William Shakespeare, et tombai amoureuse de lui. Il fut mon premier amour blanc.

C'est avec la plume fascinante que l'on lui connaît que l'autrice met des mots sur cette période de silence, mais aussi sur les vies des personnes qu'elle a côtoyés, qui eux aussi vivent une vie de disgrâce et de souffrance dans l'ombre. La prose de Maya Angelou leur fait le plus bel éloge ; chaque phrase est un délice à écouter, chaque mot vient comme une bonne surprise. La poésie de l'écriture de Maya Angelou ne peut que frapper droit au cœur de l'audiolecteur.

Il devait être fatigué de son infirmité, comme les prisonniers le sont des barreaux, et les coupables des reproches. Ses chaussures montantes, sa canne, ses muscles incontrôlables, sa langue épaisse, les regards de mépris ou de pitié dont il était objet, l'avaient tout simplement épuisé, et pour un après-midi, un petit bout d'après-midi, il les avait refusés en bloc. Je le compris, et me sentis à cet instant-là plus près de lui que jamais avant, ou après.

Je sais pourquoi chante l'oiseau en cage est la première œuvre de Maya Angelou à être adaptée en livre audio, mais c'est aussi le premier livre audio narré par Barbara Hendricks, qui chante même certains passages. L'association du style de la poétesse et de la voix de la cantatrice n'aurait pas pu être mieux pensé. Barbara Hendricks donne toute la puissance et la mélodie que l'écriture de Maya Angelou requiert, et offre un magnifique moment à tous les audiolecteurs qui voudront écouter la prose de la "Femme phénoménale".

Si grandir est pénible pour une petite fille noire du Sud, être consciente de sa non-appartenance c'est la rouille sur le rasoir qui menace la gorge. C'est une insulte superflue.